Christine erhel

Quelles politiques publiques de l’insertion, de l’emploi et de la formation dans le contexte de la crise de la covid19 ?

Pays et quartiers de la Nouvelle Aquitaine

18 décembre 2020
1 juin 2021

La crise de la covid19 est exceptionnelle de part son ampleur et sa forme. Les dernières prévisions macroéconomiques de novembre projettent un recul du PIB d’environ 10% pour 2020. Les restrictions sanitaires se traduisent également par l’arrêt total de certaines activités. Mais aussi par des restrictions à la mobilité, inédites dans la période contemporaine.

Dans ce contexte, les réactions des politiques de l’emploi ont été à la fois rapides et fortes. Ainsi, des mesures d’urgence sont intervenues, dès le mois de mars (et renouvelées voire développées en novembre). Un plan de relance a également été mis en place en septembre. Afin de mieux caractériser ces réactions, il est alors utile de les remettre en perspective par rapport aux tendances récentes des politiques de l’emploi en France. Nous conclurons ensuite sur les enjeux actuels et les défis à venir.

1-Les tendances récentes des politiques de l’emploi sont marquées par quatre grandes orientations

Une baisse du coût du travail

Premièrement, des moyens très importants ont été consacrés aux politiques de baisse du coût du travail. En effet, le Crédit d’Impôt pour la Compétitivité et l’Emploi (CICE) en 2013, puis le Pacte de responsabilité en 2014, sont venus s’ajouter aux baisses de charges sur les bas salaires introduites en 1993. Aujourd’hui, ces mesures représentent le premier poste de dépenses en faveur de l’emploi. C’est l’équivalent de 55 milliards d’euros en 2016. Soit bien au-delà du budget (15 milliards en 2017) consacré aux mesures actives ciblées : emploi aidés, accompagnement et formation des demandeurs d’emploi.

Flexibilité et dialogue social

Deuxièmement, les pouvoirs publics ont cherché à réformer le droit du travail (loi travail de 2016, ordonnances travail de 2017). L’objectif était de donner plus de flexibilité aux entreprises. Notamment en matière de gestion de l’emploi et de conditions de rémunération ou d’horaires de travail. Il s’agissait également d’apporter plus d’importance au dialogue social au niveau de l’entreprise par rapport au niveau de la branche ou au niveau interprofessionnel.

Un accompagnement global sous forme de parcours

Troisièmement, malgré une baisse des moyens consacrés aux emplois aidés (particulièrement nette depuis 2018), la modernisation de l’accompagnement (avec un focus sur les parcours) marquent les politiques de l’emploi. La Garantie Jeunes et sa généralisation en 2017 constituent un bon exemple de cette logique d’accompagnement multidimensionnel des jeunes. D’ailleurs, on le retrouve pour d’autres publics : dispositifs de soutien aux transitions professionnelles, parcours emploi compétences associant emploi aidé et formation depuis 2018.

Le levier essentiel de la formation

Enfin, de manière transversale, les politiques publiques ont mis en avant l’importance de la formation continue. Et notamment de part le contexte de mutations digitales qui accroissent les besoins en compétences générales et spécialisées. De nouveaux outils ont été développés. Il s’agit du compte personnel de formation, permettant aux individus de gérer eux-mêmes certains besoins de formation. C’est aussi le cas du plan d’investissement dans les compétences (2018-2022). Celui-ci promeut une logique volontariste d’investissement dans la formation au plus près du terrain. Une démarche interactive associe également les acteurs locaux et régionaux autour d’une logique d’expérimentation et d’évaluation en continu.

2- Les réactions des politiques de l’emploi face à la crise de la covid19

En mars 2020, soit le premier confinement, la crise devient alors manifeste. Ainsi, le gouvernement intervient rapidement pour soutenir l’emploi et éviter les licenciements et faillites.

L’utilisation massive du chômage partiel

Le premier levier en ce sens est le chômage partiel (ou activité partielle), une mesure préexistante. Celle-ci a été entendue afin de couvrir mieux les salariés : indemnisation à 84% du salaire net jusqu’à 4.5 SMIC, ouverture à tous les types de salariés y compris temps partiel, apprentis, aides à domicile, etc.). Le tout sans coût pour l’employeur, qui reçoit une allocation équivalente à cette indemnisation. L’usage de l’activité partielle a été très important dans la crise. Effectivement, en avril 2020, on recensait près de 9 millions de salariés couverts !

Des mesures ciblées par publics

D’autres mesures d’amortissement du choc sur les revenus et l’activité ont également été mises en place rapidement. Celles-ci sont ciblées sur les ménages : assurance-chômage étendue, allocations exceptionnelles pour les indépendants, les bénéficiaires du RSA, les étudiants, etc., ou les entreprises (fonds de solidarité).

Un plan pour la jeunesse

Compte tenu des risques particuliers pour la population des jeunes (et notamment ceux qui entrent sur le marché du travail et qui risquent de rester sans emploi ou de connaître un impact durable de la crise sur leurs trajectoires professionnelles), un ensemble de mesures ciblées a été lancé en juillet. celles-ci s’inscrivent dans le cadre du plan « un jeune une solution ». Ce plan fait appel à une variété de leviers :

  • subvention à l’embauche et à l’apprentissage .
  • augmentation du nombre de places en service civique, en formation en Garantie Jeunes ou autres dispositifs de suivi renforcé.

Ces mesures « jeunes », tout comme certaines dépenses d’activité partielle (activité partielle de longue durée, nécessitant un accord d’entreprise ou de branche) et de formation ont été incluses dans le Plan de relance de septembre 2020*. Elles visent, en effet, un objectif de moyen terme en matière de « cohésion sociale ». Et ceci, au-delà de la gestion de crise et de l’amortissement du choc lié aux restrictions. Mais aussi aux pertes de débouchés pour les entreprises. En pratique, la mise en œuvre des mesures d’accompagnement des jeunes ou de formation est complexe dans le contexte de restrictions sanitaires et de confinement. Ceci rend donc difficile les contacts avec les publics cibles, et compromet la participation aux dispositifs.

3- Au-delà de la crise, quels enjeux pour l’avenir ?

Une période incertaine

Il convient de noter tout d’abord que le contexte demeure marqué par l’incertitude, que ce soit du point de vue sanitaire ou économique. Si le rebond de l’été a été plus important qu’espéré, rien ne dit qu’il se reproduira dans les mois à venir. De plus, la hausse du chômage est restée contenue pour le moment.  Elle risque cependant de s’accentuer avec la réduction des mesures de soutien aux entreprises (y compris le chômage partiel) en sortie de crise.

Certains publics particulièrement fragiles

Dans ce contexte incertain, il apparaît néanmoins que des publics ont été particulièrement fragilisés par la crise et devront être soutenus y compris dans la phase de reprise. Il s’agit bien sûr :

  • des jeunes (y compris les étudiants dont les conditions de vie et d’études ont été fortement dégradées), mais aussi des salariés en contrats courts (saisonniers, CDD de l’hôtellerie-restauration, etc.) ;
  • des migrants ou étrangers dont certains occupent des emplois non déclarés.

De plus, au-delà de la crise, le changement technologique rapide (digitalisation, robots, intelligence artificielle, etc.) impose un accompagnement des transitions professionnelles.

Inventer de nouveaux modes de faire

Au-delà du soutien à ces publics fragiles, les politiques de l’emploi doivent pour l’avenir s’appuyer sur de nouveaux modes de mise en œuvre : renforcement des logiques de parcours, innovations de terrain. Et pourquoi pas une plus forte décentralisation/déconcentration. Afin d’accroître les marges de manœuvre au plus près du terrain.

* https://www.economie.gouv.fr/presentation-plan-relance

Visionnez la présentation de Christine Erhel

Source : Pays et Quartiers de Nouvelle-Aquitaine
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